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Interview de Klaf, créateur de la Dungeons Factory

(Crédit image : Dungeons Factory)

Rôliste de la première heure, Klaf n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de parler de Jeu de Rôle. Et tant mieux ! Car je lui ai donné la parole dans le cadre de cet article-interview afin qu’il nous partage son expérience concernant les JDR, tout en nous expliquant son processus de fabrication de décors en 2d et 3d via sa « Dungeons Factory » (le nom parle de lui-même, pas vrai ? 😉).

Bonjour Klaf. Peux-tu nous dire en quoi consiste la Dungeons Factory ?

Bonjour Thibaut. La Dungeons Factory, c’est la fusion de deux passions. D’une part, la création multimédia, visuelle et graphique (2d et 3d, et même musicale) que je produisais professionnellement, et d’autre part, ma passion pour les univers fantastiques et en particulier le Jeu de Rôle.

Mais structurellement c’est devenu une boutique d’accessoires pour Jeux de Rôle et de plateau.

C’est un premier projet réussi de décors à imprimer en 3d, en décembre 2019, qui m’a donné envie de continuer l’aventure. 🖨️

Aujourd’hui, la boutique et les créations prennent environ 90 % de mon temps et Dungeons Factory est une marque à part entière.

Dungeons Factory
(Crédit image : Dungeons Factory)

Comment se déroule le processus de création de décors  ?

Pour le premier univers, « The Lost Corridors« , le processus était aussi expérimental que chaotique. Heureusement, les productions de décors pour figurines étaient déjà un peu représentées par des sociétés comme Printable Scenery, ou Fat Dragon Games.

Au moins ça permettait de savoir quelle formule était la norme la plus répandue. J’ai donc demandé la licence OpenLock à Printable Scenery, ce qui me permettait de travailler mes modèles sur la base d’un système d’assemblage qui a fait ses preuves.

Ensuite, une fois que j’ai pu disposer des gabarits des murs et sols vierges, j’ai commencé à modéliser chaque tuile. Ainsi, je pars d’une base OpenLock pour conserver la compatibilité et ensuite je crée tout l’habillage, les dalles, les sculptures, les différentes textures. 🏚️

Toute la modélisation est effectuée sous Cinema 4D studio et passe par d’autres outils logiciels pour devenir enfin un fichier STL prêt à imprimer.

Projet 3D décors
(Crédit image : Dungeons Factory)

Mais au fur et à mesure que les projets se succèdent, j’essaie de sortir du modèle initial.

Il y a aujourd’hui trop de propositions de type couloir/porte/salle. C’est pourquoi le tout nouvel univers sur lequel je travaille est prévu pour fonctionner en « floorplans 3d » autant qu’en décor diorama.

Depuis 3 ans, j’ai eu le temps de développer mes propres systèmes d’assemblage et ils s’ajoutent progressivement à chaque nouvelle création.

Par exemple, le système « Doors », qui est arrivé début 2020, permet aux Meneurs de jeu de remplacer une porte à la volée par une version différente ou même sa version démolie.

C’est bien pour les guerriers qui ont réussi à flanquer un coup de tête dedans. C’est bien pour ceux qui impriment, car ils n’ont pas à attendre 2 heures. Et autour de la table de jeu, ça dynamise les environnements.

Portes cassées
(Crédit image : Dungeons Factory)

Tu proposes aussi des scénarios de JDR sur ton site ?

Comment dire ? Les Scénarios de Dungeons Factory, c’est une drôle d’histoire.

Le « Tombeau de l’Araignée  » accompagnait le projet qui a tout démarré, en 2019. C’est une mini aventure qui décrivait un mini donjon. ⚔️

Le but, c’était que cette aventure soit entièrement jouable avec les décors 3d à imprimer. Il était livré avec, du moins en tant que « stretch goal » et il semble que le principe ait plu à ceux qui ont soutenu le financement du décor.

Le second scénario se voulait plus traditionnel, et donc plus épais. Il était prévu qu’il soit compatible avec l’OGL (Open Game License). Mais les environnements étaient plus variés et ne pouvaient plus être représentés par des décors 3d.

C’est sans doute la raison pour laquelle les retours furent moins enthousiastes. Après, je sais pas, l’histoire était peut-être nulle, on apprend tous les jours.

La préparation du 3ème scénario devait corriger le tir. Il était conçu pour intégrer ses propres décors. Mais au moment de préparer les caractéristiques des créatures et PNJ, j’ai ressenti un véritable blocage. Pas une panne d’inspiration, non, une frustration.

En réalité, j’en avais assez de créer quelque chose de toutes pièces avec le concours de l’OGL. Je préfère largement tout fabriquer, même si c’est largement perfectible, que de me reposer en partie sur un produit tiers.

De plus, le besoin impératif d’abandonner ce système a transformé tout mon principe concernant les scénarios.

Klaf JDR
(Crédit image : Dungeons Factory)

Et ça, c’était deux ans avant l’annonce de Wizards of The Coast au sujet de leur OGL. Au final, c’est plutôt bénéfique parce que c’est le meilleur moyen de ne pas souffrir de changements contractuels. Aujourd’hui, pas mal de créateurs s’inquiètent.

Et donc, c’est là que je peux répondre vraiment par « oui et non » à ta question. Oui, on propose des scénarios, mais non, on repart à zéro en 2023.

Parce que cette année, c’est la sortie de « La vallée des Totems » avec son propre système de règles, son univers, son jeu et les modules qui vont avec.

Plus de deux ans de travail se concrétisent avec une première version, en attendant le Jeu de Rôle final. Cette première version est plus simple, un peu old school façon porte/monstre (et pas trésor, mais ça, c’est particulier).

Sa boîte de base contiendra les règles initiales (F.E.A.T, notre système de règles maison), un livret d’aventures, un écran, des fiches de personnage et ses propres décors.

Par la suite, chaque scénario complémentaire sera livré avec de nouveaux environnements 3d.

Ensuite, le Jeu de Rôle va suivre, toujours compatible avec le système et les histoires, mais un background développé, des créatures, 12 nouvelles classes s’ajoutant aux Voies initiales du jeu de base. Là j’ai vraiment hâte que les finitions soient achevées et les phases de test commencent. 📚

Tu es clairement un passionné. D’où vient cette passion pour le Jeu de Rôle ?

De très loin et de famille, du moins au début.

Ma mère était bibliothécaire-documentaliste et elle a enrichi mon imaginaire avec les écrits de Poe, Gustave le Rouge, Tolkien et Bradbury. J’ai aimé les univers fantastiques et tous les médias qui les représentaient.

Mon oncle était ingénieur électronicien et bossait pour Texas Instruments. Avec lui on a découvert les premiers jeux vidéo et il y avait toujours un exemplaire de Science & vie chez lui.

Mais gamin, je détournais déjà le Cluedo pour le mélanger avec des cartes, des dés et bricoler des règles pour en faire un jeu de plateau dans une maison hantée. Je me souviens que les figurines étaient des playmobils barbouillés de pâte à modeler, pour qu’ils ressemblent un peu à des monstres… 🎨

Et puis ado, abonné à Jeux & stratégies, j’ai lu le fameux numéro 18, que tout le monde en France cite en référence à Donjons & Dragons.

J’ai acheté la boîte disponible à l’époque (la rose en anglais) et je pataugeais un peu dans la traduction. Bon déjà qu’il fallait traduire, en plus il fallait comprendre le principe d’un Jeu de Rôle. Rien de tel n’existait, il fallait se débrouiller pour y jouer sans trop faire de contresens.

Qu’est-ce qui fait la force du JDR d’après toi ?

Je ne sais pas si c’est toujours le cas, mais la force du JDR, à mon époque de vieux dinosaure, c’est d’avoir éveillé les passions au-delà du jeu lui-même. 🦕

Parmi ceux qui jouaient aux Jeux de Rôle, beaucoup de mes copains de lycée et de fac sont devenus écrivains, illustrateurs, deux autres sont partis chez Ubi pour concevoir des jeux vidéo. Moi-même, qui ai commencé comme décorateur de plateau théâtre et ciné, je basais toujours mes visuels sur mes influences Fantasy ou SF.

Bon, des fois, ça matche pas avec le réalisme d’une pièce de boulevard…

Peux-tu nous partager le souvenir de ta meilleure expérience de JDR ?

Je ne sais pas si c’est le meilleur, mais ce souvenir est pour moi un vrai souvenir de Jeu de Rôle. En 1987, j’étais en fac de lettre, du coup, je jouais beaucoup le soir et les week ends (il doit y avoir un rapport de cause à effet, mais j’ai jamais dit que j’étais assidu).

On avait décidé d’entreprendre le marathon de la série des I. Et là on avait attaqué Ravenloft. Notre Maître de Jeu (qui est toujours mon MJ actuel) avait un noyau de joueurs et quelquefois des électrons libres qui passaient par Montpellier et se joignaient à la partie.

Je ne sais plus précisément quand, mais un épisode de l’aventure prévoit qu’un des personnages soit possédé par Strahd von Zarovich. Evidemment, devine sur qui c’est tombé ? 😉

De plus, seul le MJ et moi-même savions que je n’étais plus un compagnon fiable, mais que je jouais en quelque sorte le vampire. Je n’avais évidemment pas le droit de donner aux autres joueurs des indices sur cette supercherie.

La belle leçon de Jeu de Rôle que m’a offert ce scénario, c’est de m’avoir obligé pendant plus d’une heure (de temps réel) à trouver un moyen de mettre mes compagnons sur la bonne voie.

À force de dysfonctionnements étranges dans mes réponses et mon comportement, c’est le Mage (de mon propre frère dans la vie) qui a commencé à trouver que mon personnage n’était pas vraiment tout à fait normal. 🧛

Certaines idées reçues font du JDR une activité seulement réservée à une niche (assez fermée) de joueurs. Penses-tu que ce soit réellement le cas aujourd’hui ?

Oui, carrément. Le Jeu de Rôle est une niche. Les passionnés aimeraient se convaincre du contraire, mais je le pense vraiment.

Il y a un peu plus de quatre ans, avant de créer Dungeons factory, je produisais en collaboration avec la chaîne Youtube Icosaèdre, quatre épisodes du reportage « Polarôliste ».

Pour l’occasion, j’ai interwievé pas mal de créateurs, d’illustrateurs, d’éditeurs mais aussi des passants dans la rue pour un micro-trottoir. Du côté des acteurs du monde du jeu, tout le monde se répétait comme un mantra que c’était le retour de l’âge d’or du Jeu de Rôle. 🎤

Depuis, comme me l’a dit Mr Fabrice Sarelli, un grand Monsieur de l’histoire de ce domaine, il est toujours sous perfusion. Parce que si on en vivait, il n’y aurait sans doute pas autant de financements participatifs.

De l’autre côté de ces interviews, dès que les passants ont répondu aux questions du micro-trottoir, il était évident que 95 % des gens ne savaient pas ce qu’est un Jeu de Rôle. Au mieux, certains, plus jeunes l’associaient aux jeux vidéos et heureusement que ce n’est pas le premier âge d’or, les gens de ma génération se souviennent à quel point pas mal de détracteurs l’associaient au satanisme. 🙂

Alors, je ne base pas ma réponse sur cette seule observation qui date d’ailleurs un peu. Mais tu vois, le JDR est peu édité par les circuits mainstream. Lorsque c’est le cas, les gros éditeurs lui préfèrent les produits dérivés, Nathan, Larousse, etc. ne font que des produits d’extrême initiation et les autres, des escape game, des jeux de cartes ou des jeux de société qui ont seulement emprunté au JDR.

Maquette démo décors JDR
(Crédit image : Dungeons Factory)

Peut-être que le Jeu de Rôle demande encore trop d’investissement en temps et en préparation pour allécher le grand public.

Mais je suis de ceux qui préfèrent que cela reste ainsi, parce que j’ai connu trop de mouvements alternatifs ou de secteurs underground (et pas que dans le domaine ludique) qui ont perdu toute substance dès lors qu’il ont été récupérés par les gros systèmes.

Par exemple, je ne suis pas certain que la sortie du film Donjons&Dragons cette année mette beaucoup plus de monde sur la voie de la découverte. Au mieux, cette tentative sera perçue comme un énième blockbuster fantasy.

Mais ce n’est que mon point de vue et je ne prédis pas encore l’avenir. 🔮

Quel(s) Jeu(x) de Rôle(s) conseillerais-tu pour démarrer ?

Cela va dépendre du temps dont disposent les joueurs, de leur âge et de leur culture aussi.

Un habitué des jeux vidéos n’a pas la même approche ludique, celui qui n’a joué qu’aux jeux de cartes ou quelqu’un qui ne joue pas.

Dans l’absolu, j’aurais dit Chroniques Oubliées Fantasy. Car c’est une bonne synthèse de Donjons et qu’il est plutôt bien fichu pour l’initiation.

J’y ai fait jouer des gens de ma génération, quand on a voulu se remettre aux longues parties sur table, puis mes propres filles de 10 et 12 ans, puis une autre fois des gens dans la vingtaine. Tout le monde a bien aimé.

Mais c’est juste pour commencer. Au-delà du niveau 3, plus rien n’est écrit pour ce jeu qui n’est qu’un immense bac à sable.

Après, franchement, si tu joues avec des adultes, l’Appel de Cthulhu (de chez Chaosium, pas ses clones bien sûr) est un must. Chacun y trouve un aspect qui peut lui plaire, les années 20, l’aventure, l’horreur. De toutes façons, je suis subjectif, c’est mon jeu préféré. 🐙

Y a-t-il une question que tu aurais aimé que je te pose ?

Oui, plein d’autres, sur le ciné, la musique, les fourmis et les pizzas. Je ne sais pas, il y a tellement de choses passionnantes, et pas seulement dans l’univers des jeux ! 🍕

Où peut-on retrouver tes créations ?

Le site de la Dungeons Factory est un peu leur vitrine. Quand j’ai le temps j’y ajoute des news. Sinon, la boutique, c’est surtout ce qui me permet de continuer à créer et de bouffer un peu quand même, pour continuer à créer encore.

C’est à l’adresse : https://dungeons-factory.com/

Et puis, on y trouve aussi le Facebook, et l’Instagram.

Sinon, j’ai commencé l’an dernier mes premiers salons et festivals et franchement, rien ne vaut le live. Quand quelques personnes passent sur le stand lors d’un salon et que l’une d’entre elles te regarde en disant « Ahh mais c’est toi Dungeons Factory », il ne sait pas que ça me flatte, que ça me rend bavard et que je vais parler beaucoup.

En tout cas merci de ton accueil et longue vie à JDR-Mania.

 

Un grand merci à toi mon cher Klaf ! Merci d’avoir pris le temps de répondre de façon très détaillée à toutes mes questions. Ce genre de retour est particulièrement riche !

J’espère que les lecteurs du blog sauront également profiter de ce partage. 😊

Et pour ceux d’entre vous que ça intéressent, découvrez d’autres retours d’expérience passionnants dans « Parole de Rôliste ».

Thibaut

 

Stand Klaf JDR
(Crédit image : Dungeons Factory)

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