Découvrez le JDR & vivez des histoires passionnantes avec vos amis !

Interview avec le Directeur des éditions Kurokawa

Interview avec le directeur des éditions Kurokawa

Alors autant le dire tout de suite : je suis très heureux. Car j’ai l’immense plaisir d’accueillir ici Grégoire Hellot, directeur des éditions Kurokawa (l’un des plus gros éditeurs de mangas en France). 😀

Dans cet article-interview, on va parler d’édition, de mangas, de jeux vidéo et, bien sûr, de Jeu de Rôle. Et notamment du JDR Dark Souls, que m’ont gentiment offert les éditions Kurokawa (review à venir très prochainement !).

Bonjour Grégoire. Pouvez-vous nous présenter la maison d’édition Kurokawa ?

Bonjour ! Kurokawa est la maison d’édition du Editis, et ce depuis plus de 15 ans.

L’aventure a démarré en 2005 avec Fullmetal Alchemist, Satan 666, Kimi Wa Pet, et elle a continué avec Soul Eater, Ippo, Pokémon, Saint Seita Lost Canvas, One-Punch Man, et plus récemment Spy Family. 📚

À l’origine de la création de cette maison, il y avait la volonté de faire une maison d’édition manga qui publierait des titres plus grand public que ce qui était disponible à l’époque. Et en proposant aussi des mangas qui pourraient être facilement lus par des gens n’ayant pas forcément l’habitude d’en consommer.

Sur quels critères se basent vos choix en matière d’édition ?

Ils sont multiples, bien entendu. Le dessin, la qualité de la narration, mais aussi le propos de l’histoire, c’est important. ✏️

Ce sont les mêmes facteurs qui font qu’un lecteur va accrocher à une série ou pas, mais avec des considérations économiques derrière bien sûr. On se demande si ce manga super intéressant et super bien dessiné qui parle de nouilles vaut vraiment le coup d’être publié (dans la mesure où en faisant quelques simulations, on se rend compte qu’on en vendra sans doute à peu près 200 exemplaires, ce qui va nous faire perdre énormément d’argent).

Mais comme à côté on a ce manga de bagarre qui vend des dizaines de milliers d’exemplaires, on peut parfois se permettre de publier un coup de coeur plus risqué.

C’est ça aussi le monde de l’édition : on prend des risques en sortant des livres qui ne trouvent pas leur public, mais dont les échecs sont compensés par quelques réussites. Il faut donc que le manga me plaise, nous plaise, et qu’on parvienne à le produire sans perdre trop d’argent si ça ne fonctionne pas en France. 🎯

Parlons Jeu de Rôle (pas étonnant sur JDR-Mania !). Les éditions Kurokawa (KuroPop) sont derrière la traduction récente du JDR Dark Souls. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

J’ai découvert cet ouvrage lors d’un voyage au Japon il y a quelques années. Un éditeur avec qui j’ai l’habitude de travailler, Kadokawa, m’apprend qu’ils ont un partenariat privilégié avec le studio de jeu vidéo From Software, dont ils sont actionnaire majoritaire. 🌸

Cet état de fait leur donne la possibilité de créer de nombreux ouvrages autour de la licence phare du studio, à savoir Dark Souls.

Venant moi-même du jeu vidéo, je sais à quel point cette licence est populaire chez nous aussi. Mais à part un recueil d’illustrations, il n’y a que des livres de solution pour terminer les différents jeux. Ce qui m’intéresse assez peu, car ce genre de licences est déjà réservé en exclusivité par des éditeurs américains. 🎮

Je découvre alors sur la table un petit livre un peu différent, avec l’acronyme T-RPG. Pour moi qui viens du jeu, ces lettres signifient “Tactical Role-Playing Game”. Mais mon interlocuteur m’explique que non, il s’agit d’un “Table-Talk Role-Playing Game”, la dénomination par laquelle les Japonais appellent nos Jeux de Rôles « en boîte avec des dés » classiques, contrairement aux “RPG”, qui désignent des jeux vidéo.

Je feuillette donc ce petit livre. Je m’aperçois rapidement qu’il s’agit effectivement d’un livre de règles pour jouer avec ses amis, comme AD&D (Advanced Donjons et Dragons) et autres jeux auxquels j’ai tant joué quand j’étais au lycée.

 

Dark Souls JDR
Le livre du JDR Dark Souls !

Malheureusement, je ne suis absolument pas un spécialiste du marché du jeu de société et du Jeu de Rôle en France. Car mes dernières parties, même si elles étaient passionnées, datent d’il y a 2 décennies. 😅

Donc j’ai un peu de mal à déterminer s’il y a un marché pour ce jeu. Je garde donc ce livre dans un coin de ma tête. Je commence à enquêter un peu auprès de joueurs “actifs” en France pour voir un peu ce qu’ils achètent, comment ils consomment leurs jeux, etc. 🔍

Et là je découvre un marché très différent de ce que j’imaginais !

Après mes pérégrinations, je me rends compte qu’en France, sorti du patrimonial Donjons et Dragons, on est dans un marché où le piratage est une évidence, et dans lequel les éditeurs sont obligés de réaliser de magnifiques ouvrages pour que les joueurs daignent les acheter, et donc les collectionner. 📕

Je comprends aussi que les joueurs contemporains sont mieux organisés, plus curieux d’essayer de nouveaux titres, et tout cela grâce aux réseaux sociaux et aux nouveaux moyens de communication.

Je vois donc un potentiel de “niche” pour notre “T-RPG” tiré de l’univers de Dark Souls, mais au prix de quelques modifications de fabrication.

Ce petit livre japonais devra donc devenir un massif grimoire pour faire à la fois plaisir aux joueurs classiques de Jeux de Rôle, mais aussi pour satisfaire les fans de la série “Dark Souls” qui ne sont pas forcément rôlistes (mais qui collectionnent les ouvrages tirés de leur univers favori).

Avec l’équipe Kurokawa, nous allons donc faire une proposition allant dans ce sens, de transformer ce petit livre en “beau livre” pour le marché français, ce qui enchante l’éditeur japonais.

C’est génial qu’un jeu vidéo soit à l’origine d’un JDR. Quels sont les enjeux lorsqu’on passe d’un support à l’autre ?

Je ne suis pas concepteur de Jeu de Rôle, mais j’ai eu la chance d’en fréquenter quelques-uns lors de mes années dans la presse jeu vidéo (il y a une vingtaine d’années).

Donc j’ai pu discuter un peu avec eux de la manière dont on pense et conçoit un univers et les règles qui s’y rapportent. En plus, dans les années 80 et 90, les Jeux de Rôle sur ordinateurs et consoles étaient très fortement inspirés de ce qui existait dans les boîtes de jeu, donc les univers étaient finalement assez proches.

Bien que la série Dark Souls soient des jeux d’action très punitifs où l’adresse du joueur est souvent mise à l’épreuve, il s’agit aussi de jeux dans lesquels le joueur va être encouragé à tordre les règles pour arnaquer un univers extrêmement difficile en abusant de différents objets magiques qui, combinés, peuvent donner des résultats surpuissants. 💀

Ce côté “tordre les règles”, je l’ai souvent retrouvé dans mes parties de JDR où face à des situations très compliquées, on s’en sortait parfois en exploitant des failles dans, par exemple, des descriptions de sorts qui avaient échappées à notre Maître de Jeu fatigué après une nuit d’aventures épiques.

Il arrivait aussi qu’on profite de sa fatigue, au contraire, comme la fois où j’ai lancé un éclair tombé du ciel avec mon druide alors que nous étions dans un souterrain… un peu comme si, dans un jeu vidéo, il y avait eu un bug ! 🧙

Plus sérieusement, je pense que ce genre de licence fait l’objet d’énormément d’attentions de la part du studio original. Car je sais que de nombreux membres de l’équipe des jeux Dark Souls sont des amateurs de JDR, et qu’ils sont donc influencés par la représentation spécifique de la fantasy pensée pour ces jeux.

Il y a donc effectivement un gros travail à réaliser pour retranscrire l’ambiance d’un jeu à travers des règles. Mais pour tout ce qui est de la construction de l’univers, c’est surtout, j’ai envie de dire, un retour aux sources pour Dark Souls.

L’enjeu pour le créateur du JDR Dark Souls, cela a été de mettre en place des règles qui seront suffisamment originales pour que les joueurs “classiques” y prennent du plaisir, mais que les connaisseurs des deux univers (JDR et Dark Souls) puissent se réjouir de certains choix de game design qui retranscrivent avec astuce des mécaniques et sensations du jeu vidéo.

Et même si les joueurs seront plus exigeants, je pense paradoxalement que pour un créateur de jeu, une adaptation sera plus facile à faire lorsqu’il s’agit d’un jeu aussi singulier, avec une personnalité très forte comme Dark Souls. 🧟

Plus globalement, qu’est-ce qui fait la force des univers imaginaires (mangas, romans, JDR, etc.) selon vous ?

Le fait qu’il n’y a aucune limite à l’imagination, justement !

Certaines idées reçues font de la lecture de mangas et autres romans fantastiques une activité réservée aux geeks et/ou ados. Qu’en pensez-vous chez Kurokawa ?

Je pense au contraire qu’aujourd’hui les choses sont beaucoup plus simples pour ce qu’on appelle avec facilité les « geeks ».

J’ai connu justement l’époque où l’on disait que les jeux vidéo rendaient fous, que les dessins animés japonais hypnotisaient les enfants, et que les JDR transformaient les joueurs en satanistes. 🔥

Aujourd’hui, c’est Spy X Family tome 9 qui, devant tous les romans de la rentrée littéraire, est numéro 1 des ventes de livres en France. Le produit culturel le plus vendu en France est un jeu vidéo, et les films de super-héros dépassent régulièrement le milliard de dollars de recettes.

Les récits fantastiques, quels que soient leurs supports (livres, films, mangas, jeux) n’ont jamais eu autant de présence et de résonnance auprès du très grand public !

 

Kurokawa éditeur de mangas
(Crédit image : Les éditions Kurokawa)

Lorsque je lisais Strange, le magazine des super-héros à 11 ans, je n’aurais jamais pensé qu’en 2022 il y aurait des silhouettes géantes en carton d’Iron Man pour accueillir les braves consommateurs dans un supermarché. 🦸‍♂️

Quand je prenais le métro pour aller récupérer à prix d’or quelques mangas importés du Japon au début des années 90, je n’aurais jamais cru qu’un jour il y aurait des avant-premières de dessins animés japonais dans des chaînes de cinéma partout en France.

Quant au JDR… j’ai l’impression qu’il n’a jamais été aussi populaire grâce aux streameurs américains ou français, mais aussi avec l’aide des petits héros de Stranger Things qui l’ont remis au goût du jour.

Demandez aux vieux joueurs de JDR s’ils imaginaient ne serait-ce qu’il y a 20 ans, si un jour des dizaines de milliers de gens se mettraient devant un écran pour passer la soirée à regarder des gens vivre une aventure en temps réel autour d’une table.

Y a-t-il une question que vous auriez aimé que je vous pose ?

« Est-ce que t’as tes dés sur toi ? » 🎲

Où suivre les actualités concernant les éditions Kurokawa ?

Nous sommes présents sur tous les réseaux sociaux ou presque, notamment sur Facebook, mais aussi sur Twitter et Instagram sous le nom @Kurokawa, et depuis peu, nous sommes aussi sur Tik Tok, où vous pourrez découvrir toute l’équipe Kurokawa dans ses oeuvres !

 

Merci à Grégoire des éditions Kurokawa pour ce partage d’expérience en toute transparence ! 😊

Son retour me fait beaucoup penser à celui d’Édouard, le président de Ludogram, qui nous partageait son avis sur les liens entre JDR et jeux vidéo.

D’ailleurs, vous pouvez retrouver cet article-interview juste ici.

À bientôt !

Thibaut

 

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *