Dans ce nouvel article-interview, je vous propose de partir à la rencontre de Baptiste. C’est le créateur de The Big Krunch, un JDR par navigateur. Mais qu’est-ce que c’est que ça, vous me direz ? Eh bien, comme d’habitude, je vais laisser la parole à notre invité pour qu’il nous dise ce qu’est le Jeu de Rôle par navigateur. Bonne lecture ! 😉
Hello Baptiste. Avec des amis, tu as créé un Jeu de Rôle par navigateur. Avant qu’on en parle plus en détail, peux-tu nous expliquer en quoi consiste un JDR par navigateur ?
Bonjour Thibaut. Il s’agit d’un jeu en ligne reposant sur l’utilisation d’un navigateur internet, tel que Mozilla Firefox, Google Chrome et autres Safari.
C’est ni plus ni moins qu’un site internet, au sein duquel tu peux interagir par l’intermédiaire de fonctionnalités dédiées.
Concrètement, c’est comme JDR Mania, mais au lieu de cliquer sur un article pour en lire le contenu, tu cliques sur un truc pour en faire un machin. Et c’est rigolo. 😀
La notion de Jeu de Rôle par navigateur ajoute à tout cela des éléments que l’on va retrouver sur des versions “classiques” ou “papier” : un ou des maîtres de jeu en charge de l’animation de scénarios, des joueurs qui vont avoir leur(s) propre(s) personnage(s) et le(s) faire évoluer, des espaces d’interactions avec l’environnement du jeu et les autres joueurs, des PNJ, de l’équipement, etc.
Où est-ce que tu situes précisément la limite entre un JDR par navigateur et un JDR “classique” ?
La limite est technique, principalement, puisque notre JDR est jouable en ligne et permet un nombre limité de fonctionnalités (frapper, se déplacer, soigner, utiliser différentes formes de magie).
Le concept n’est pas si éloigné d’un MMORPG classique (toute proportion gardée 😉). Sauf qu’il est plus simple à appréhender et laisse beaucoup de temps pour planifier, s’organiser et – surtout – pratiquer le rôle play.
C’est un avantage par rapport à un JDR « classique » de table par exemple, puisque dans The Big Krunch, les forums et autres outils internes au jeu (messagerie, messages “du jour”, feed news, etc) permettent d’incarner complètement les personnages et de les projeter dans des situations concrètes, que l’on reproduit ou non sur le damier.
Qui est la cible de ce genre de Jeux de Rôles ?
Je ne sais pas s’il y a une cible précise. Mais les quelques jeux du genre que je connais sont globalement associés à un public peuplé de vieux cons nostalgiques. 🤗
Il faut savoir (ou se rappeler, bande de vieux cons !) qu’aux débuts des années 2000-2003, il y a eu un véritable essor de ce type de jeux.
Des univers très différents ont été proposés, mais certaines fonctionnalités ou approches se retrouvaient souvent : une partie de rédaction “rôle play”, des fiches de personnage pour en délimiter les contours, et une représentation plus “concrète”, prenant très souvent la forme d’un damier afin de se représenter le personnage dans son écosystème (décors, autres personnages, etc).
Désormais, 21 ans après, certains de ces jeux subsistent encore. Et nombreux sont ceux à avoir gardé leur “fraîcheur” d’origine !
Un exemple qui me vient en tête est celui de Mounty Hall (https://www.mountyhall.com/) qui a réussi l’exploit de garder une communauté encore active. Mais ne dites pas le contraire : le graphisme est encore dans son jus d’origine. 👾
Ok. Dis-nous tout ce qu’on doit savoir sur The Big Krunch !
Ce qu’il faut savoir concernant The Big Krunch ? Que c’est un joyeux bordel avec une histoire de bientôt 10 ans.
Le jeu en lui-même est plus récent, la première version ayant été rendue publique en 2018. Mais en deux mots, nous avons essayé de faire cohabiter la nostalgie de ce type de jeux avec des attentes plus contemporaines que pourraient avoir les joueurs (davantage de fonctionnalités, liaison avec des outils récents tels que Discord, portabilité, etc).
Le jeu est basé sur un principe de “saison” d’une durée d’environ 4 à 6 mois. Il faut voir cela comme des scénarios qui sont préparés puis proposés aux joueurs.
Quand un cycle se termine, le jeu part en maintenance pour se faire une fraîcheur et préparer les prochains scénarios. Ainsi, d’une saison à une autre, il peut y avoir énormément de changement dans l’approche, le gameplay, les fonctionnalités.
L’équipe d’animateurs me fait remonter les besoins. Et on voit ce qu’on peut mettre en place, voire programmer pour de nouvelles fonctionnalités. Il y a néanmoins des fondamentaux qui persistent d’une saison à l’autre. 👨👨👧👦
Concrètement, The Big Krunch offre la possibilité aux joueurs de créer plusieurs personnages, associés généralement à un camp.
Ces personnages ont un ensemble de caractéristiques pour les définir (points de vie, dextérité, force, mouvement, magie, etc) et de compétences ou actions (frapper, soigner, bouger, manipuler des objets, lancer des sorts).
Sur ce dernier point, nous avons misé sur le déploiement d’actions communes, mais d’autres soumises à des critères qui peuvent être de différentes natures.
Ainsi, selon votre personnage, les objets qu’il a dans sa besace ou le plan où il se trouvera, il pourra construire ou réparer des trucs, gratter sa solde, découvrir les plaisirs exotiques d’une maison close ou même se griller des saucisses et offrir des fleurs (je ne suis pas responsable de ces idées merdiques 😅).
Dans tous les cas, votre personnage évoluera sur un damier ou au sein de bâtiments, et aura des tours de jeu de 23 heures pour dépenser ses points d’actions et mouvements avant d’entamer un nouveau cycle.
Il y a pas mal d’autres conneries, apportant soit de la profondeur, soit du “fun” (si c’est inutile, c’est forcément nécessaire !), soit de l’interaction entre joueurs.
Un morceau de damier de The Big Krunch
Les objectifs des personnages pourront se focaliser sur des actions PvP (player versus player) et/ou PvE (player versus environment). Envahir un camp défendu par des joueurs pourra ainsi donner autant de satisfaction que de se confronter à des PNJ (personnages non-joueur) poussés par des IA avec leurs propres styles de jeu. 🤖
Pour donner un peu de concret à tout ça, nous avons eu récemment une animation basée sur le principe d’un PMT (Porte-Monstre-Trésor).
Une sombre histoire de donjon à explorer avec des PNJ tels que des gardes aux noms de merde, un geôlier aveugle mais sous acide et un Roi qui avait tendance à jouer avec le feu. Désormais, les joueurs font face à une invasion d’une centaine de zombies, suite aux actions d’un nécromancien dont le karma est merdique. Ils ont la vie dure ! 🧟♀️
En somme, un gros bordel. Et ça nous fait bien marrer.
Page de profil de l’administrateur d’une abeille
Qu’est-ce qui t’a motivé à lancer ce projet ?
Oulah ! C’est le moment de se faire couler un café ! Retour aux années 2000. ☕
À l’époque, je me fais hameçonner par un jeu appelé “Démange”. Basé sur l’univers du jeu de rôle INS/MV (In Nomine Satanis / Magna Veritas), il permettait aux joueurs d’incarner des humains, des anges ou des démons, chacun luttant pour ses intérêts, déjouant les éventuelles alliances et autres coups bas.
La recette était déjà posée : des personnages avec des caractéristiques, un forum pour le volet rôle play et un damier sur lequel on ne pouvait que dépenser ses points de mouvements et frapper, l’ensemble régi par des tours de jeux de 47 heures et de supers animateurs/maîtres du jeu.
Demange : de superbes personnages, avec un décor horrible
Ce jeu a été une révélation pour pas mal de monde, avec une apogée à environ 8 000 comptes.
Cette aventure a ensuite bifurqué en deux versions en 2003 : une version 2, plus enrichie et revisitée et une version nommée “Angémoniaque”, restant sur la version 1. Puis quelques années plus tard, certains joueurs ont été à l’initiative d’un autre projet : E.W.O.
Toutes ces expériences ont été particulièrement importantes pour moi : j’y trouvais un moyen de poursuivre mon expérience de rôliste “au quotidien” et à portée de clic.
Allégorie du joueur de The Big Krunch avant son inscription
Ce sont d’ailleurs ces expériences qui ont façonné mon affinité pour la programmation, domaine qui me suivra ensuite dans mes expériences professionnelles puisque j’en ai fait mon boulot. 🤓
Et c’est ainsi que j’ai monté ensuite mon propre moteur de jeu. Débuté en 2012 et en constante évolution depuis. Associé à d’autres joueurs, dont surtout Gaeriel (mon comparse de toujours dans les idées foireuses), nous avons ainsi créé plusieurs projets, dans différents univers.
Il y a par exemple eu “Break Dawn” : damier en 3D iso, univers dystopique où l’écologie était au cœur des scénarios.
De superbes décors, avec des personnages horribles
Puis The Big Krunch s’est monté, genre en 2008. Avec une profondeur de background jamais égalée pour la première version : un camp “du Nord”, un camp “du Sud”, et de joyeux pétages de câbles.
Le reste de l’univers, ce sont les joueurs qui l’ont façonné. C’est ainsi que Aliénor d’Aquitaine s’est frottée à la froideur de l’empereur Caius, pendant qu’un banquier lombard essayait de résonner un prophète du Dieu Loop. Je vous avais prévenu, nos joueurs sont un peu barrés !
La version 2 a vu une remise à plat de l’approche avec cette fois-ci un camp unifié et des animations plus fournies : attaques de lapins zombies, George le Dragon et même une communauté de l’anneau.
Et enfin, l’actuelle version 3. Avec un niveau de profondeur encore plus complexe à appréhender : un camp de “Bleus”, un camp de “Rouges” (on a tout donné sur cette version ! 😅).
Vue du plan principal
Comment es-tu tombé dans la marmite du JDR ?
Par envie de “jouer avec les grands” ! Dès mes années collège, j’ai été imbibé de l’univers des Jeux de Rôles par l’intermédiaire de mon frangin et de ses potes, qui parlaient de leurs aventures avec une passion contagieuse.
Il faut se souvenir qu’à l’époque pointaient également d’autres supports, d’autres conneries (par exemple les sagas MP3 du Donjon de Naheulbeuk).
J’ai rapidement pu monter mes propres tables avec des potes, pour des parties en one shot, sur des sessions de 36 heures. J’ai donc commencé par Donjons et Dragons 3.0. J’ai d’ailleurs eu mes premières crises de foie, conséquence d’un abus de Crevetola.
Puis vinrent mes premières conventions de jeux de rôle. Sur des sessions de 48 heures ou de 72 heures, avec des vrais morceaux de fatigue, des pires pâtes-carbo au monde et de gros délires renforcés par des blaireaux sanguinaires agrippés aux pieds d’un guerrier un peu con-con.
J’ai ainsi pu approfondir quelques univers : l’excellent Agone, l’incontournable Monde des ténèbres par l’intermédiaire de Vampire : La Mascarade, ou encore des trucs plus improbables comme Lycéenne. De tout cela, j’ai gardé une réelle affinité pour Donjons et Dragons en version 3.5.
J’ai d’ailleurs encore récemment claqué des sommes exorbitantes pour retrouver de vieux livres de règles afin d’initier mon fils à cet univers particulièrement accessible. 📚
Où peut-on te retrouver, ainsi que The Big Krunch ?
Vu qu’en ce moment nous sommes en pleine saison scénaristique, le site du projet est incontournable : https://www.thebigkrunch.com/
Mais pour se frotter véritablement à la communauté de tarés, il y a le salon Discord associé au projet : https://discord.gg/vejpZvb
Un jour, on s’était dit qu’on aurait également une présence sur certains réseaux sociaux, mais ce n’est clairement pas une aventure plaisante. On a donc lâché l’affaire. 🙃
Y a-t-il une question que je ne t’ai pas posée (et que tu aurais aimé que je te pose) ?
Il y a effectivement un dernier point que je désire souligner : l’importance d’une communauté de joueurs sur ce type de projet. Et à plus d’un titre.
En plus de leur rôle “d’ambassadeurs”, ce sont eux qui portent le jeu. Dès sa conception, nous avons eu la volonté de créer un moteur de jeu souple et évolutif, afin d’offrir aux joueurs la possibilité d’interagir et modifier pleinement le monde dans lequel se situe The Big Krunch.
Cela implique une grande proximité et disponibilité, mais également des joueurs totalement barrés. Et sur ce point, notre communauté est particulièrement fabuleuse !
Mais en dehors de RP totalement délirants, il y a eu de vraies conséquences in game, ayant bien souvent eu comme conséquences des développements spécifiques.
Désormais, les fonctionnalités et possibilités de The Big Krunch se veulent nombreuses, ajoutant de la profondeur aux personnages et leurs interactions. Mais le mieux est d’aller s’y inscrire pour voir tout cela plus en détails et de passer nous voir sur notre Discord ! D’ailleurs, tout lecteur de JDR Mania pourra me contacter par Discord pour recevoir un objet unique. Tu nous rejoins quand Thibaut ?
Merci à Baptiste pour cet échange !
J’espère que cette interview vous a donné envie de partir à la découverte de nouvelles façons de faire du JDR.
Vous aimez ce format d’articles-interviews ? N’hésitez pas à me le dire dans les Commentaires et à aller lire d’autres articles de la catégorie « Parole de Rôliste ». 🙂
Thibaut