Vous avez toujours eu envie de vous essayer aux Jeux de Rôle, mais la taille de certains livres de règles vous rebute ? Ou bien peut-être faites-vous partie de ceux qui ont découvert, intrigués, Donjons & Dragons à travers les récits enflammés des quatre gamins de Stranger Things, mais ne se sentent pas l’âme d’un conteur d’histoires ? Dans ce cas, les livres-jeux sont faits pour vous ! 📕
Plus connus en France sous leur appellation « Livres Dont Vous Êtes le Héros » (ou LDVELH, pour les intimes), ces petits bouquins ont connu un très grand succès dans les années 80. Compte tenu de la simplicité de leurs règles et de leur scénario prêt à l’emploi, ils constituent une parfaite porte d’entrée vers le JDR classique. Retour sur cette invention qui a révolutionné l’univers du Jeu de Rôle. 👀
Note de Thibaut : Cet article a été rédigé par Gil Colinmaire, un collègue ayant fait la même formation en rédaction web que moi (je vous renvoie à ma page à propos pour en savoir plus sur ce sujet). Spécialisé sur la thématique musicale, Gil m’a fait l’honneur de rédiger un article sur les livres-jeux, dont il est un grand fan depuis son enfance. Je lui prête donc ma plume et vous souhaite une très bonne lecture ! 😀
Concept et histoire des Livres Dont Vous Êtes le Héros
Le livre-jeu : quésaco ?
Un livre, des dés, un crayon, une gomme et quelques feuilles de papier pour seuls accessoires. À première vue, les Livres Dont Vous Êtes le Héros ne paraissent pas bien différents des JDR sur table, popularisés dans les années 70. 📝
Pourtant, ils offrent des avantages de taille pour les néophytes, par rapport à ces derniers. Conçus pratiquement comme des romans, ils plongent le joueur à travers des scénarios préétablis, ne requérant pas l’intervention d’un « MJ » (Meneur de Jeu) pour imaginer la suite de l’histoire.
Ce faisant, le livre-jeu permet également d’instaurer des règles simples, immuables et décidées par l’auteur. Le principe de base reste le même pour chaque ouvrage : tous les paragraphes (souvent au nombre de 400) sont numérotés et invitent, à la fin, le lecteur à faire un choix entre diverses actions possibles, menant chacune à un autre paragraphe, et ainsi de suite.
Le but sera d’emprunter le ou les bons chemins, pour atteindre le chapitre final, le fameux numéro 400 qui marquera votre victoire. Une quête, bien sûr, semée d’embûches… 😏
Historique des Livres Dont Vous Êtes Le Héros
Si les livres interactifs ou aux scénarios multiples sont une invention ancienne – des auteurs ayant expérimenté ce concept sous diverses formes, depuis le XIXème siècle –, ils sont véritablement passés du statut d’oeuvres littéraires à celui de jeux à partir des années 70.
La création en 1982 de la collection « Défis Fantastiques », par les écrivains Steve Jackson et Ian Livingstone, marquera un tournant, avec un nombre d’histoires alternatives bien plus important que dans les récits antérieurs, et surtout un vrai système de règles, comme dans n’importe quel jeu de société ou JDR. Ce qui n’avait jamais été fait auparavant. 🎲
Inspirés de Donjons et Dragons, dont les deux auteurs sont fans, ces livres, au format poche, plongent le lecteur dans des mondes fantastiques (ou de SF) similaires, mais à moindre coût. Une révolution, qui participera à la démocratisation du Jeu de Rôle.
Les Défis Fantastiques deviennent alors, avec Le Sorcier de la Montagne de Feu – premier tome d’une série qui comptera plus de 60 ouvrages – un phénomène de société, et finiront par se vendre à plus de 15 millions d’exemplaires à travers le monde. ✌️
Les deux Britanniques, également fondateurs des boutiques Games Workshop et de leur marque phare Warhammer, créent ainsi un véritable empire de l’Heroic Fantasy, influençant tout une génération d’ados, abreuvée notamment aux romans de Tolkien.
S’ensuivront de nombreuses autres collections, dont Sorcellerie !, créée par Steve Jackson, ou encore Loup Solitaire, Astre d’Or et Dragon d’Or, publiées par des entreprises concurrentes. En France, bien que ces dénominations aient été conservées, la plupart furent réunies dans une collection globale, les fameux « Livres Dont Vous Êtes Le Héros », édités par Gallimard.
L’intérêt pour les livres-jeux dont vous êtes le héros a commencé à décliner au début des années 90, la série des Défis Fantastiques s’achevant, pour sa part, en 95. Nostalgie oblige, celle-ci a été augmentée de quelques épisodes depuis 2005, le plus récent étant Le Fléau de Titan.
Les règles des Livres Dont Vous Êtes le Héros 🎲
Un principe déclinable à l’infini
Même si chaque série de Livres dont vous êtes le héros, voire même chaque épisode au sein de ces séries, possède ses propres caractéristiques, la plupart des livres-jeux sont construits sur les mêmes éléments de base.
L’histoire se déroule, en général, dans un monde fantastique. La plupart du temps, de type Heroic Fantasy, ou parfois futuriste, comme le Défi Fantastique n°4 La Galaxie Tragique, qui nous propulsait dans un univers parallèle, via un trou noir. 😵
Destinés à un joueur unique, les livres-jeux sont agrémentés d’une « feuille d’aventure », sur laquelle le lecteur marquera les caractéristiques de son personnage et le contenu de son sac de voyage. Les caractéristiques que l’on retrouve régulièrement sont les points d’attaque et de défense, nommés « habileté » et « endurance », voire un facteur « chance », déterminés au début du jeu par des lancers de dés.
Mais rassurez-vous, si vous obtenez de mauvais scores : certains remèdes, armes ou protections, trouvés sur votre parcours, permettront d’augmenter vos capacités. De plus, la plupart des livres-jeux introduisent des systèmes annexes pouvant grandement influer sur vos résultats, tels que des compétences spéciales ou des pouvoirs magiques.
Qui dit points d’attaque dit, forcément, combats. Certains chapitres vous feront tomber dans des embuscades, qu’il vous faudra régler au sabre… enfin, aux dés ! Vous effectuerez alors des lancers, dont les résultats s’ajouteront – par addition, multiplication ou que sais-je encore – à vos chiffres de base, ainsi qu’à ceux de vos ennemis.
Attention car, comme vous jouerez seul, votre mort signifiera obligatoirement la fin de la quête. Il vous faudra donc, en principe, reprendre depuis le début ! D’autant plus que les combats ne sont pas les seuls causes d’un « game over ». Certains livres peuvent vous tendre des pièges sadiques. Une seule solution alors, pour éviter le trépas : prendre la bonne décision ! 😱
Une grande variété d’univers parmi les livres-jeux
À la différence de certains JDR parfois difficiles à appréhender, la compréhension des règles et la préparation de votre aventure ne vous prendront, en général, que quelques minutes. 🕜
Les Défis Fantastiques, particulièrement faciles d’accès, sont un bon moyen de s’initier aux Livres Dont Vous Êtes le Héros, certaines collections comme Loup Solitaire intégrant tout de même des mécanismes un peu plus poussés.
Si le système de combat des premiers ne nécessite, en effet, que de simples calculs, celui de Loup Solitaire demande de se reporter à un tableau, qui déterminera les points de vie perdus à chaque assaut. Le sac à dos, quant à lui, est limité en capacité, mais certains objets pourront être déposés dans un « monastère Kaï », pour être utilisés dans les livres ultérieurs. 📚
Ce qui nous amène à une autre spécificité des Loup Solitaire, à savoir sa conception sous forme d’épisodes connectés, là où les Défis Fantastiques se présentent souvent comme des histoires indépendantes.
Toutefois, par souci de cohérence, ces derniers ancrent régulièrement leurs histoires dans un même monde, nommé Titan et composé de 3 continents, que certains fans se sont d’ailleurs amusés à reconstituer sous forme de mappemonde.
Ces deux séries sont les plus conséquentes et les plus connues. Mais d’autres présentent des particularités intéressantes. Vous les distinguerez grâce à leur logo (un bouclier et une épée pour Défis Fantastiques), qui leur est propre.
Super Sherlock, comme son nom l’indique, troque l’univers de la Fantasy pour celui des enquêtes policières, très bien adapté au côté investigations des livres-jeux. 🕵️♂️
Sorcellerie ! demande au lecteur, incarnant un sorcier, d’apprendre jusqu’à 48 sorts par coeur – celui-ci ne pouvant courir le risque de se faire voler son grimoire !
Quête du Graal nous transporte, quant à lui, dans le monde du roi Arthur, mais sur un ton humoristique, bien différent des autres jeux dont vous êtes le héros.
On peut enfin citer Double Jeu, qui permet de jouer à deux, chaque lecteur disposant de son propre livre-jeu et devant progresser de concert avec son coéquipier. 👨🏼🤝👨🏻
Il est à noter également que la très grande variété des histoires des Défis Fantastiques permet souvent l’intégration de règles supplémentaires, comme l’étonnant « contrôle des rêves » des Spectres de l’Angoisse, qui nous fait poursuivre une partie de l’aventure durant les siestes de notre personnage.
Nos impressions sur les livres-jeux et leur intérêt par rapport aux JDR
Des classiques de la pop culture
L’implication du lecteur et le talent de certains auteurs pour les ambiances et les rebondissements, ont véritablement bouleversé les mondes du jeu de société et de la littérature jeunesse.
Les superbes dessins en noir et blanc façon gravure, illustrant certaines scènes clés, ont aussi ajouté une dimension visuelle très forte aux récits et Jeux de Rôles de l’époque. ✒️
Si certains reprochent aux créateurs des Défis Fantastiques d’avoir profité de leur succès pour sortir des épisodes à la pelle, parfois bâclés, force est de constater que de nombreux livres sont considérés comme des classiques du genre.
Parmi les plus appréciés, on peut citer notamment Le Labyrinthe de la Mort, au concept très simple – sortir victorieux d’un labyrinthe aux pièges mortels –, mais dont le caractère immersif particulièrement poussé a marqué toute une génération.
La Créature Venue du Chaos reprend le principe du donjon mais ajoute une grosse touche d’originalité : cette fois-ci, c’est vous le monstre ! Doté d’une force incommensurable, vous permettant de détruire facilement vos ennemis, vous êtes cependant amnésique et devrez réussir à décoder le langage humain et des énigmes parfois très difficiles, pour vous en sortir. Une des histoires dont vous êtes le héros les plus ardues et surréalistes.
Côté difficulté, Le Manoir de l’Enfer n’est pas non plus en reste. Plongé dans un véritable roman d’horreur, à l’ambiance devenue légendaire, vous pouvez littéralement mourir au moindre faux pas.
On peut aussi citer les célèbres méchants du Vampire du Château Noir ou du Sorcier de la Montagne de Feu, Zagor, qui ont donné lieu à plusieurs suites, très appréciées des joueurs.
Avantages et inconvénients des LDVELH par rapport aux JDR
Comme on l’a vu précédemment, les avantages principaux restent le faible coût des livres, la simplicité des règles, leur histoire prête à l’emploi et la rapide préparation du jeu. Ce dernier point permet aussi de jouer partout, y compris en vacances, le matériel nécessaire ne prenant que peu de place… à la différence de certains objets transportés dans votre sac, dans les Loup Solitaire !
Autre avantage, dans beaucoup de situations : il se joue seul, ce qui ne nécessitera pas de bloquer une soirée à l’avance ou de devoir élire un MJ. On peut donc stopper et reprendre l’aventure quand bon nous semble.
Toutefois, cette dimension solitaire peut aussi être une de ses faiblesses. Tout d’abord, elle nous incite souvent à tricher (on sait, c’est mal !) pour ne pas avoir à toujours tout recommencer depuis le début.
Ensuite, lorsque l’on se lance dans ces aventures épiques, on a très vite envie de pouvoir les partager avec ses amis, comme dans tout JDR qui se respecte. On commence alors à inventer de nouvelles règles pour pouvoir jouer à plusieurs, mais bien souvent, ça coince ! On donne des informations aux adversaires, qui peuvent être amenés à retomber sur nos pas, leur permettant ainsi d’éviter des pièges fatals. Ou l’on se retrouve très désavantagé lorsque l’on meurt et que les autres poursuivent leur route.
D’autres éléments peuvent aussi être frustrants, comme la place prépondérante du hasard, aux dés notamment, ou la linéarité de certains livres, qui ne proposent parfois qu’un seul itinéraire gagnant. Ce qui n’est pas très intéressant si vous jouez à plusieurs ; vous en conviendrez. 🤔
Malgré leurs différences, les livres-jeux et les JDR partagent suffisamment de points communs pour pouvoir affirmer que les premiers sont une bonne porte d’entrée pour les seconds. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Défis Fantastiques et Loup Solitaire ont été adaptés en Jeux de Rôles.
Si vous êtes effrayé par la taille des Donjons et Dragons ou que vous vous sentez dépassé par la trop grande liberté qui y est accordée, les livres-jeux vous plongeront tout en douceur dans l’univers du Jeu de Rôle.
Ce qui fait d’eux une introduction aux JDR idéale pour les enfants et ados, notamment. Après avoir tenté les classiques des séries Défis Fantastiques et Loup Solitaire, vous pourrez vous essayer au jeu en duo avec Double Jeu, pour vous initier au côté coopératif des JDR.
Qui plus est, les univers de ces deux catégories de jeux étant très proches, vous ne devriez pas être trop dépaysé lorsque vous passerez à la vitesse supérieure ! 🚀
On espère que cette présentation des livres-jeux vous aura donné envie d’aller en dénicher quelques-uns en brocante et de faire un pas de plus vers l’initiation aux JDR. On ne peut, en tout cas, que vous les recommander ! 🙂